Quelle stupéfaction, un de ces petits matins magnifiques, parcourant les chemins rizicoles, lorsque je tombais sur une démonstration de force de la compagnie Kubota...Vous allez vous dire, que le farang-Isan fait vraiment une fixette sur l'évolution du travail dans les rizières ! Oui, c'est une fixette,  j'adore cette vie des rizières, en parler avec mes voisins, avec les mecs des rizières que je croise au milieu de ce paysage sans fin d'un vert immaculé dont je ne me lasse jamais ! Je me disais donc, que cette machine allait sûrement modifier la campagne environnante !

Revenant de France, il y a à peine deux mois, je remarquais l'arrivée massive des tracteurs dans l’horizon de mes ballades bucoliques et écrivais  « la mort du p'tit cheval », et je voyais quelques levers de soleil plus tard, la compagnie Kubota vanter une machine à repiquer le riz...Je continuais donc ma réflexion sur l'évolution de la vie des villages et par rebond, des rizières qui sont l'âme de cette vie de milliers de "ban" en pays d'Isan  !

[...]

Il y avait du monde pour voir la démonstration ! Pas très loin, quelques femmes, principalement, s'affairaient à repiquer le riz de la façon la plus traditionnelle, c'est-à-dire à la main ! On ne peut pas aller contre la modernisation du travail des rizières, et je préfère le dire tout de suite, je ne suis pas contre celle-ci, c'est juste inéluctable, un constat, la main d’œuvre se fait rare, le travail y est difficile et pénible, on ne voit plus quasiment que des anciens piquer le riz et le couper, les jeunes ne veulent plus en entendre parler, le salaire, même s'il a augmenté ces dernières années, n'est pas assez attractif, il n'en vaut pas la chandelle et puis la scolarisation fait que l'on ne va pas à l'école pour terminer les pieds englués dans l'argile détrempé des rizières !

Il y eut donc au fil des ans, la machine à couper le riz, généralement utilisée pour la récolte intermédiaire, celle du Khao Na Phang, riz à très faible rendement et de piètre qualité, utilisé pour la nourriture du bétail, voire pour l’alcool de riz ; il y eut le tracteur venu remplacer le motoculteur qui avait lui aussi remplacer depuis longtemps le buffle si cher au paysan de l'Isan et il y aura donc très bientôt la machine à repiquer le riz ! C'est une évolution normale de la ruralité, les gens vont se déplacer vers les villes, migration qui a commencée depuis longtemps, elle va juste s’accélérer, rappelons que la Thaïlande est encore un pays où la population rurale est plus nombreuses que la population citadine... Plus pour longtemps !

Dans les villages, les anciens sont légions, nombreux sont encore ceux qui « gèrent » la marmaille des masses travailleuses parties vers la capitale, Bangkok. Les personnes parties en ville reviennent encore pour la plupart dans leur village et y sont encore très attachés, vous entendrez très souvent les petites mains de Bangkok annoncer haut et fort que leur village est le plus belle endroit du monde, que le village leur manque "Kitung Ban ", ils disent à tour de bras : " quand je serai vieux, je retournerai  au village profiter d'une retraite méritée", ils se demandent mutuellement lors de rencontre fortuite, pendant des courses de taxi, au détour des allées d'un marché quelconque,  de quelle village et région sont-ils originaires, partant alors dans des discussions sans fin sur la promo de leur village et puis les enfants pour ceux qui ont grandit en ville, ne reviennent désormais que très rarement vers leurs origines, car leurs racines sont désormais à Bangkok, nombreux sont leurs parents qui rêvaient d'un retour vers le village pour leurs vieux jours mais qui restent sous les lumières de la ville, près de leurs progénitures. La dernière chose qu'ils vont peut-être faire est de venir mourir au village pour que leurs cendres reposent près de leurs ancêtres, ce n'est même pas certain !

Alors la machine à piquer le riz à un bel avenir devant elle, même si elle coûte cher, la compagnie Kubota comme nombreuses marques dans le monde, vend ses produits non pas en fonction de ce qu'ils leur coûtent mais en fonction de ce qu'ils rapportent à ceux qu'ils l'utilisent, alors ceux qui travaillent la terre n'ont ou n'auront plus vraiment le choix, même s'ils regardaient la démonstration de cette nouvelle machine d'un air dubitatif, le travail qu'elle offrait leur paraissant de piètre qualité, m'ont-ils dit, mais  on (des Mosanto & Cargill associate) trouvera sûrement de nouvelles variétés de riz mieux adapter à cette machine (si ce n'est déjà fait d'ailleurs) !

Et comme le disait un ami sur facebook, on pourra toujours s'en servir, hors saison, comme pédalo, et s'ils m'attendent pour piquer le riz, la production rizicole thaïlandaise va devenir obsolète !

Paille Kheundheu !