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Et Chaï se fit moine !
Ce fut un long mais alors un très très long weekend à Ban Pangkhan. En effet si dans la vie d'une famille thaïe, bouddhiste cela va de soit, il y a des moments importants, cela est surement l'ordination d'un fils, d'un frère ou d'un neveu !
On peut décider de se faire moine pour se rallier à une tradition, car chaque homme thaï doit dans sa vie faire son stage au temple (comme une conscription), la plupart du temps cela se passant vers l'age de vingt ans et pour une période conseillée de trois mois !
[...]
On peut y aller par conviction et pour la vie, cela existe encore. Auparavant les jeunes de familles défavorisées, souvent brillants et alors remarqués par un « vénérable » pouvaient ainsi poursuivre leurs études. Les familles, trop nombreuses pouvaient
Oncle de Oy, vénérable du temple de
Fremont(Ca .USA) et moine depuis
sa tendre enfance
aussi en plaçant un fils au temple se soulager économiquement ! Aujourd'hui, cela est plutôt rare. Les prises de conscience et l’éveil des convictions se faisant plus tardivement dans la société moderne thaïlandaise.
On peut aussi décider d'y aller définitivement ou moins pour un long moment pour se cacher de représailles policières et éviter ainsi la justice puis la prison et ce n'est pas rare !
On y va aussi par dépit ou par fatigue voire de peur de rester seul :
Dans cette configuration, les femmes ne sont pas en restes d'ailleurs, souvent veuves ou seules et libérées des obligations familiales, elles resteront habillées de blanc et auront des temples à elles voire des parties du temple leur étant réservées, je ne dis pas qu'il y a moins de conviction mais ce serait plutôt un état de fait comme pour de nombreux hommes lorsqu'ils deviennent veufs, la voie vers le temple est toute tracée...
Pour terminer, on pourra aussi aller au temple, comme ça, lorsque cela vous chante, pour résoudre un problème qui dans la vie civile s’avèrera impossible à régler, on pourra s'y rendre, 10 jours, deux semaines, un mois, comme on veut...
En ce qui concerne Chaï se fut pour cette dernière raison, depuis que je suis au village, c'est la troisième fois qu'il passe un moment au temple. Officiellement il dit qu'il y allait pour être plus près de son père Manot, officieusement pour essayer de décrocher du Lao Khao avec qui il noue de sérieuses attaches.
Durant ces quatre jours, c'eut été aussi le moment de célébrer les défunts et la mère de Chaï, la grande sœur de Oy ainsi que le reste de la famille voulait rendre hommage à Manot , le père de Chaï précédemment cité, décédé il y a cinq ans mais voulait aussi rendre un hommage à Yaille Thong, la maman de Oy, décédée il y a presque deux ans désormais, le Tamboun (l'offrande) s'imposait. La famille devait être réunie, au grand complet, condition « si-né- qua-non » du bon déroulement des festivités !
Dans le village de nombreux jeunes avaient décidé de rejoindre le temple et de nombreuses familles avaient aussi décidé d'honorer leurs morts.
Au sein de la famille de ma femme, un neveu lui aussi avait décidé de « monter » de Bangkok et de faire son ordination de ses vingt ans, un moment important donc pour la famille mais aussi pour tout le village. Pour que la fête soit complète, il fallait y rajouter quelques ingrédients...
Dès le mercredi, il fallut installer une tente barnum et tables et commencer à acheter les ingrédients pour nourrir tous les invités...Dès le jeudi soir, toute la famille serait là, de Bangkok et Bowin Estate (Sri Racha), alors il fallait assurer.
La veille de l'ordination, il y eut donc un molam, ben oui tout de même...
La soirée fut chaude et plutôt arrosée, eh ! Les réunions familiales !
Dernier moment de repos et répit pour les futurs moines!
Il fallut aussi préparer le fameux bœuf haché au sang pour les invités du lendemain.
Toute la nuit, on hacha la bête (morte bien-sur) à grand coup de machettes aiguisées comme des rasoirs, j'y ai d'ailleurs laisser un bout de doigt mais de la main droite, je suis gaucher, alors...Enfin tout cela n'est que du sang...Je ne suis décidément qu'un farang-ISAN et pas doué de la machette !
Vampire lève-toi, le « Lap Nua Dip kap ruak est ready... »(le tartare de bœuf au sang est prêt).
Le lendemain, nous y étions encore après un court moment de sommeil, la plupart des invités étaient déjà passés et on prépara la voiture pour les futurs moines.
Nung et Chaï avant d'embarquer pour le temple!
Tout le monde avait bien-sur son grain de sel à moudre pour l'agencement de l’arrière du pickup, tout un art et tout un blabla, même les chamans du village étaient là...Enfin tout le monde fut prêt après quelques heures de palabres et l'on pu se rendre au temple pour la bénédiction des moinillons, des défunts et déposer les offrandes en tout genre, coussins, tissus, armoires, sièges, ventilos, statues de bouddha, et j'en passe.
La décoration de la salle de prière était des plus kitsch...
Une fois la cérémonie terminée, tout le monde attendait l’évènement que tous adorent et qu'on ne manquerait pour rien au monde, où tous se déchirent et se déchainent, la procession avec orchestre ambulant tout autour du village, le clou de la journée.
Allez, musique! Let's go , tout le monde est prett'
C'est plutôt calme au départ...Mais cela ne va surement pas durer!
Les moines en devenir, arnachés à l’arrière du pickup,
les femmes et les coussins et photos des défunts suivaient juste derrière,
les enfants dansant comme...des enfants et ramassant bonbons et pièces de un baths lancés par de généreux donateurs prenaient la suite,
puis les acharnés de la trans', des jeunes, des ados mais aussi des vieux de la vieille (comme moi par exemple) ou des rapportés de Bangkok se lâchant le temps de deux trois jours sans usine ni contremaitre et tout le bastringue,
puis en fin de cortège, les tambours en pleine bourre
et pour fermer la marche, la sono sur charrette à fond les bielles encadrée du bassiste et du guitariste et de l'organiste.
On fit le tour du village et même si il était cinq heures du soir, on aurait pu espérer une certaine légèreté de l'air mais la chaleur torride, le Lao, la bière, la musique répétitive donnèrent, ce que tous attendaient, une trans' transgénérationnelle générale bienfaitrice...Génial mais épuisant...Le village paraît grand des fois...
On revenait au temple à la tombée de la nuit et les moinillons devenaient alors moines et nous ? On alla ripailler une nouvelle fois...
Le samedi fut plutôt calme sans l’être car il fallut ranger, mais d'autres du village, décidèrent de se payer une autre procession pour honorer surement un défunt...Le soir fut calme mais pas pour longtemps car vers deux heures du matin, les musicos firent le tour du village dans un rythme de molam plus doux pour rameuter tout le monde et célébrer au temple le Khao Pann Khon...J'en parlais dans un article, il y a deux années en arrière...Une célébration vraiment fédératrice, rassemblant tout le village !
Le dimanche, quelques membres de la famille devaient déjà partir mais le soir après une journée au temple où les moines du temple de la foret bénirent des dizaines de litres d'eau, où il fallut enlever toute la décoration précédemment installée, nombreuses familles firent un tamboun pour la réussite de leur progéniture dans la vie, à l’école, pour une future union réussie etc...
On brandit des arbres à monnaie et on refit encore le tour du village...Tout cela se finit au temple et tout le monde se coucha...Enfin !
On se serait cru à Songkran avant l'heure, sans les trombes d'eau que l'on se projette par principe au nouvel an thaï, dommage, il faisait tellement chaud et puis dommage car nous partions pour la France et cette année on tenterait de fêter Songkran avec quelques connaissances thaïlandaises restées dans l'hexagone...Pourquoi pas ? Une découverte !
Le lundi, même si c’était le jour de « ma fête », seule facebook aurait pu vendre la mèche, mais au village, facebook est loin d'avoir gagné tous les portables des voisins alors nous avons terminé la fête, enfin, pour une fois, ma foi et mon foie avaient besoin de repos, tous étaient repartis et le calme olympien de Pangkhan reprit ses droits mais tout de même,
QUELLE FESTIA !
L'ESPRIT DU « SANOOK SANOOK »
(la joie de vivre, l'amusement pour l'amusement)
AU CENTRE DE TANT DE SPIRITUALITÉ, OU AILLEURS L'HEURE AURAIT ÉTÉ A UNE CERTAINE GRAVITE, IL N Y A PEUT-ÊTRE PAS QU'ICI QU'ILS LE VIVENT AINSI, MAIS ICI, ILS ONT VRAIMENT L'ART DE L'ENTRETENIR ET DE NE JAMAIS ABANDONNER L'AFFAIRE!
MERCI ENCORE PEUPLE D'ISAN...
Paille Kheundheu !
Tags : thaïlande, isan, ban pangkhan, moines, temples, ordinations, villages, procession
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Commentaires
Comme tu dis, Jeff, sanuk, sanuk. Toutes les occasions sont bonnes! Il y a un côté très pragmatique dans cette religion bouddhiste. D'après toi, il semble que ceux qui s'engagent dans cette vie monastique le font plus par défaut ou pour ne plus être des laissés-pour-compte. Les vraies vocations sont plus rares. C'est juste? Khun Didi
En effet Didi, ce n'est pas une généralité mais je l'ai maintes fois constaté, et en fait, pourquoi pas ? Cela me plait même bien !
Jeff
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Sous combien de degrés Celsius ces festivités bucoliques pendant la hot season ?