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Le Ya Ba ยาบ้า en Thaïlande : Est-ce une guerre sans fin ?
Très souvent, lorsque je veux parler d'un sujet récurrent à propos de la Thaïlande, l'actualité me rattrape. En effet, depuis que je viens en Thaïlande, le YABA, littéralement « le médicament qui rend fou » est au cœur de nombreuses conversations, de tranches de vie. Serait-ce devenu banal ? Peut-on s'habituer à vivre avec ? Je ne crois pas !
Une « drôle » d'histoire est arrivée à la meilleure amie de Ma Dame et elle n'est pas la seule au village à qui c'est arrivé. Des souvenirs de soirées débridées avec un ami-flic de Sélaphum me sont revenus ; Les journaux du soir qui à la fin du siècle dernier et tout au long du début du nouveau millénaire montraient en boucle des images chocs en direct sur les ravages et les dérives de cette drogue, ça s'est tassé. Les descentes de police ici et ailleurs, de nuit comme de jour afin d'arrêter de jeunes trafiquants ou aficionados de cette méthamphétamine débridée sont légion. Les rencontres avec les filles de bar à Pattaya, Samui ou Phuket voire Bangkok qui étaient toutes accro' à cette drogue me reviennent.
La guerre est loin d'être gagnée... Mais a-t-elle vraiment été déclarée ?
Depuis 20 ans, l'état thaïlandais tente-t-il vraiment d'éradiquer la consommation et le trafic ?
Si c'est le cas, c'est en vain !
Autour des années 2000 après le déchaînement médiatique, prise d'otage en direct de mecs en manque, de suicide, d'exécution en tous genres et j'en passe, le gouvernement de Taksin Shinawatra décida de passer à la méthode expéditive. Ce fut un tollé des organisations internationales . Il est vrai qu'il n'avait pas fait dans la demi-mesure. Des commandos, en fait des policiers sillonnaient le pays dans des vans aux vitres fumées et après dénonciation voire après une enquête des services de police locale dans le meilleur des cas, ces hommes vêtus de noir et cagoulés exécutaient allègrement le moindre petit consommateur comme le petit dealer sans vraiment s'attaquer aux vrais trafiquants ! Près de 5000 morts plus tard en moins de 8 mois, et sous la pression internationale, le gouvernement Taksin abandonnait cette « justice » expéditive !
Mon pote de la police de Sélaphum, que j’appellerai « mister Dédan' » revenait régulièrement de ces expéditions, on se rencontrait, on picolait un peu puis au fil de ses allers et retours, il commença à creuser réellement les fonds de bouteilles puis à la fin de ces huit mois, il fut (et est encore) totalement traumatisé et alcoolo définitif. Le fait de descendre comme ça de nombreuses personnes l'a définitivement miné et pourtant, c'était un mec vraiment sympa, plein d'humour avec qui on pouvait passer de bonnes soirées, certes désordonnées mais vraiment « tip-top »... Plus tard, il me racontait, totalement ivre (il ne l'aurait pas dit sinon), de quelle façon ils opéraient pour ces exécutions sommaires : Une cible, un repérage, le van avançait le long d'une route, d'un chemin, la porte latérale glissait, un tir, un seul, précis ou alors ils investissaient une maison et « faisaient le ménage » puis ils filaient droit sans se retourner. Depuis, ce cher Dédan est planton sur le pont de la Mea Nam Chi, totalement détruit. On lui a retiré son arme de service, et s'il avait tendance à titiller la bouteille, il l'a épousé définitivement. Je ne parierai pas longtemps sur sa longévité ! Il est vrai que par la suite, il fut sollicité pour faire parti de ces commandos dans une autre guerre, celle contre les séparatistes musulmans des trois provinces de l’extrême sud de la Thaïlande.
Il y a aussi les gens de la nuit que j'ai souvent rencontrer, travailleuses et travailleurs anonymes, les filles de bar pour faire court, il était rare d'en croiser qui ne prenaient pas de cette came. Pas facile la vie loin du village et de supporter les clients thaïs comme farangs de ces bars et karaokés.
Si vous n'avez pas vu la série Breaking Bad (excellente série d'ailleurs qui vient encore de gagner de nombreux « awards »), vous verrez les dégâts que fait cette drogue synthétique. Elle ne date pas d'aujourd'hui, un japonais l'a inventé entre les deux grandes guerres mondiales et les allemands (les nazis) l'ont commercialisée en 1938. Pendant la guerre, les kamikazes en prenaient pour se jeter avec leurs avions sur leur cible, les pilotes américains, aussi, pour pouvoir emmener leurs forteresses volantes bombarder leurs objectifs jusqu'au bout de la nuit sans risquer de s'endormir et la liste n'est pas exhaustive !
Aujourd'hui comme avant, les thaïs, chauffeur de bus, de vans, de camions, ont troqué leur bon vieux « Lipo » pour adopter cette came... La traque est partout au petit matin le long des routes du Royaume, ceci depuis des années, mais cela ne semble avoir aucun effet. Les filles de bar fument ce YABA qui est rappelons le est une variante du « Meth ». On y a rajouter de la caféine ; cela désinhibe et permet de tenir le coup, le jour et la nuit mais si on l'appelle YABA en Thaïlande, c'est ce que fait le manque de cette pilule : crises de folies sans discernement pour avoir sa dose... Et les gamins ; les ados dans tous ça ; Ils ne veulent peut-être qu’imiter au départ, essayer, comme on fume sa première clope, pour certains, la descente aux enfers est totale. Ce n'est pas le far-west autour de Ban Pangkhan, mais il n'y a pas un mois sans interpellation ou un pétage de plomb d'un jeune du village ou des alentours. Je n'ose imaginer comment cela se passe dans les grandes villes...
La cerise sur le gâteau est ce qui est arrivé à la bonne amie de Oy. Depuis trois mois, elle est enfermée dans la prison de Mukdahan, ville frontalière sur les rives du Mékhong faisant face au Laos. Raison : Trafic de YABA (quelques milliers de « smarties ») . J'ai cru rêver lorsque ma femme me l'a appris. Fon, que l'on appellera ainsi, avait des dettes et les « recouvreurs », vous savez, on les croise souvent sur les routes sur des motos puissantes, par deux, équipés de casques intégrales à visière opaque, roulant toujours très vite...Ils lui auraient proposée de payer sa dette en passant quelques valises de « cette merde ». Elle a cinquante ans et l'espoir de sortir rapidement au début de sa détention s'amenuise doucement ; elle pensait vraiment, naïve qu'elle était, que « ses » donneurs d'ordre allaient la sortir de là, mais ils l'ont oubliée et il est hors de question qu'elle dénonce qui que ce soit. Sa fille a du revenir de Bangkok au village pour s'occuper de ses enfants que la grand-mère choyait et ces gens n'hésiteraient sûrement pas à des représailles sévères à l'encontre de sa famille ! (vous me direz : « elle n'avait qu'à pas s'endetter ! ». Facile à dire, difficile à vivre?)Le Laos, au delà du Mékhong, nouvelle route des trafics !
Lepetitjournal.com journal en ligne de langue française participait à relater ce fléau et publiait le 26 août 2014 un article à ce propos :
Des milliers de jeunes femmes emprisonnées pour trafic de drogue.
L'autre fille du village que je connais, plus jeune, est en prison pour dix ans, peut-être n'en fera-t-elle que 5 ou 7... Elle a fait la mule pour d'autres trafiquants juste pour un peu d'argent, pour pouvoir se payer des biens de consommation que sa condition ne lui permettait pas d'acquérir. Elle ne voulait pas bosser dans les bars, elle travaillait dans une usine à Bangkok, petit salaire pour beaucoup d'heures de travail, et la tentation de passer la frontière laotienne avec quelques pilules lui fut fatale !Un article du quotidien thaïlandais en langue anglaise The Bangkok Post (l'article original en anglais) m'interpellait la semaine dernière et dont voici une brève et approximative traduction (en effet, vous verrez que le traducteur a fait quelques raccourcis, voulu ou non? Certains apprécieront !) : « POLICE - Les autorités ont arrêté un homme en possession de 800.000 comprimés de méthamphétamine, qui n'est autre qu'un officier supérieur chargé de la lutte contre le trafic de drogue ... Le lieutenant colonel Chamnarn Phoomphaichit a été interpellé à un barrage non loin de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, dans la province de Chiang Rai. Les policiers qui ont fouillé son véhicule ont trouvé de grandes quantités de stupéfiants enfermés dans deux sacs. Selon un communiqué de la police, le bilan de la saisie serait de 800 000 comprimés de yaba et d'un kilogramme de crystal meth, le tout estimé à plus de 200 millions de bahts. Le lieutenant-colonel Chamnarn est commandant adjoint du poste de police Prakarn Chai dans la province de Chiang Mai, chargé de la répression au sein de la "Région 5". » Trad. de Français Ensemble dans le Club de Pattaya
La solution est vraisemblablement la prévention, du moins en ce qui concerne la jeunesse, mais si l'on parle de répressions, peut-être serait-il opportun d'atteindre les vrais cibles, ceux à qui cela profite mais là, il y a du boulot (la dernière arrestation voudrait-elle prouver quelque chose. Je n'y crois guère, je vois juste ici, une lutte de territoire ou d'influence, une dénonciation qui profitent à d'autres).Trop de sous, trop d'influence, trop de politique, trop de pouvoir, trop de tout... Un manque de volonté flagrant ! Toujours les mêmes qui tirent sur les ficelles...
Paille Kheundheu...
Postscriptum : Mis à part les deux photos d'aspects bucoliques (Hua Hin, le soir et les rives de Sawanakhet au Laos en face Mukdahan) les crédits photos appartiennent à Wikipédia et autres sources sur internet !« En ISAN (Thaïlande), les tubes vintages ont la cote !La gazette de Ban Pangkhan (26). Du 16/06 au 10/09/2014. »
Tags : Drogue, folie, Thaïlande, methanphétamine, police, jeunesse, argent, ยาบ้า, Crystal, Meth, Village, nuit, Taksin Shinawatra
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Commentaires
2Thierry 03Mardi 26 Août 2014 à 13:28Avant l'herbe était cultivée et employée dans la cuisine pour les mariages ou autres ; rendait les gens joyeux et surtout pas accro ... eh hop interdit , vaut mieux vendre ces saloperies bien chimiques qui font qu'on en redemande , a qui profite ce crime ? avant il y avait le paysan , maintenant un chimiste - prédateur - empoisonneur ;
Révolté de la bétise humaine
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p**** de fléau ... bel article, jeff :)